Notre point de vue sur la conduite de l’urbanisation à Cesson
Nous sommes résolument opposés à la façon dont s’opère l’urbanisation de Cesson. Nous ne sommes pas opposés à toute urbanisation : il y a un besoin de logement dans la Région Ile-de-France auquel il faut répondre, et il est aussi nécessaire de remettre en cause la ségrégation sociale, en réalisant une meilleure répartition du logement social entre les communes (par exemple entre les différentes communes de Sénart). Mais nous en critiquons les modalités. |
1) Un cadre législatif très contraint
- L’urbanisation s’opère dans un cadre législatif assez complexe, associant l’Etat, la Région, la communauté d’agglomération de Grand Paris Sud et les communes.
- La loi Solidarité et Renouvellement Urbain, adoptée en 2008, fixe des objectifs en terme de logement social : elles doivent atteindre le seuil de 25% avant 2025. Les communes en retard sont redevables d’un prélèvement annuel opéré sur ses ressources, proportionnel à leur potentiel fiscal et au déficit en logement social par rapport à l’objectif légal. Elles sont aussi soumises à un rythme de rattrapage défini pour trois ans qui doit lui permettre d’atteindre le taux légal en 2025. A ce titre en 2020, Cesson a versé 44 841,52€ à l’Etat, car elle n’avait pas rempli ses obligations (voir le site du ministère de la transition écologique). Pour une population de 10238 habitants ; nous disposions au 1er janvier 2019 de 680 logements sociaux.
Le lien :https://www.ecologie.gouv.fr/larticle-55-loi-solidarite-et-renouvellement-urbain-sru-mode-demploi
- Le schéma directeur de la Région Ile de France encourage la redensification de l’habitat afin de limiter l’étalement urbain, responsable de la destruction des terres agricoles et de la multiplication des déplacements (facteurs d’émissions de CO2, d’allongement des déplacements domicile-travail, d’embouteillages, de nuisances sonores, de fracture du tissu urbain, de dépenses en infrastructures de transports). Ce texte, adopté en 2013, est actuellement en refonte, sous la conduite de l’équipe de V.Pécresse.
- L’Etat dispose aussi des moyens d’intervention spécifiques pour assurer le rythme de construction pour les Opérations d’Intérêt National, ce qui nous concerne en raison de notre appartenance au territoire de l’OIN de Sénart. L’Etat ou l’EPA Sénart peut ainsi faire réaliser des logements malgré l’opposition des communes en délivrant lui même les autorisations de construire dans le cadre des Zones d’Aménagement Concerté ou en imposant une modification des documents d’urbanisme.
Voir le lien :https://www.senat.fr/rap/a05-086/a05-08616.html
- L’EPA Sénart reçoit délégation des communes pour l’aménagement de nouveaux quartiers (préemption des terres, viabilisation). Ce fut le cas pour l’aménagement du quartier de la Plaine du Moulin à Vent et pour la ZAC Centre-Ville. Ce sera le cas pour la future ZAC de la Gare.
- La commune négocie avec l’EPA les projets d’aménagement, prend l’initiative de la formation de ZAC, délivre les permis de construire (exemple pour les terrains Benoît). Elle lance des appels d’offre pour la cession de ses terrains (exemple l’appel d’offre pour le Poirier Saint). La commune peut faire appel à l’EPFIF (Etablissement Public Foncier de la Région Ile de France) pour préempter des terrains destinés à la conduite de projets d’urbanisation à l’intérieur d’un périmètre d’intervention.
Voir le lien : site de l’EPFIF
Elle dispose aussi d’un second outil pour maîtriser l’urbanisation : la création d’un périmètre d’étude permet de geler la délivrance de permis de construire afin de préserver la possibilité de réaliser un projet d’urbanisme dans un secteur délimité.
- La commune adopte le Plan Local d’Urbanisme (P.L.U.).
voir le lien : outils et demarche pour élaborer un PLU
voir le projet actuel : projet PLU site mairie de Cesson
Le P.L.U. définit les principes généraux de l’urbanisation sur le territoire de la commune, conformément aux textes réglementaires. Il contient une liste d’Orientations d’Aménagement et de Programmation (O.A.P.) et un règlement (qui définit les normes qui s’appliquent dans chacun des secteurs de la commune (hauteur des construction, places de parking, etc.).
Bilan
|
2) Le vrai problème : la politique nationale et régionale d’aménagement du territoire
Nous sommes opposés à la façon dont s’opère l’aménagement du territoire dans notre pays et en particulier dans la région Ile de France. La priorité de fait maintenue à la recherche de la compétition internationale interdit que des mesures efficaces, au delà des discours, soient prises pour revenir à un modèle plus compatible avec les urgences du dérèglement climatique et plus agréable pour les habitants.
La seule vraie solution est de rééquilibrer le réseau urbain à l’échelle de l’ensemble du territoire national, et de casser la spéculation immobilière à Paris afin que les habitants qui en ont été chassés depuis les années 1970 puissent de nouveau y habiter. Ces solutions permettraient de réduire les déplacements domicile/travail et d’arrêter l’étalement urbain.
La politique de densification à marche forcée imposée actuellement aux communes de grande banlieue est absurde et injuste : les habitants sont à juste titre opposés à la destruction d’un cadre de vie qui a été la principale raison positive de leur installation (en compensation des désagréments causés par l’éloignement de Paris). D’autre part, densifier la grande couronne en l’absence d’une politique sérieuse de développement des transports en commun, c’est imposer aux habitants des conditions de déplacement toujours plus dégradées, avec des trains surchargés, trop souvent en retard ou supprimés, et des embouteillages de plus en plus fréquents sur les routes franciliennes.
3) Sur le plan local, une politique mal conduite
Le P.L.U. est adopté par une procédure assez complexe : adoption du Plan d’Aménagement et de Développement Durable par le Conseil Municipal, élaboration du projet de P.L.U. (délégué au cabinet d’urbanisme Urbanisme-Paysage-Architecture Rivière Le Tellier), réunions d’information (en distanciel le 7 mai et le 8 décembre 2020), 1er vote du Conseil Municipal (30 juin 2021). La prochaine étape est l’enquête publique, conduite par un commissaire enquêteur, qui sera menée du 16 octobre au 17 novembre, à l’issue de laquelle sera rédigé le document définitif qui sera présenté au Conseil Municipal.
Nous sommes animés de sentiments contradictoires.
Nous savons qu’il faut revoir l’offre de logement sur le territoire de la commune, afin d’améliorer la mixité sociale et d’offrir des logements aux jeunes adultes. Nous sommes aussi en accord avec la nécessité de protéger les terres agricoles et de concentrer l’habitat à proximité des gares, afin de limiter l’usage de la voiture.
Mais nous constatons aussi que la densification induit une réduction des espaces végétalisés et une perturbation du cadre patrimonial, ce qui est contradictoire avec la préservation du cadre de vie auquel sont attachés les habitants, et avec les impératifs à venir liés au dérèglement climatique.
L’urbanisation de Sénart s’est opérée selon un modèle que nous récusons, sans véritable projet d’ensemble et autour du tentaculaire centre commercial du Carré Sénart, qui tient lieu de centre ville.
a – Le modèle du Carré Sénart
Ce modèle du Carré Sénart présente un intérêt : offrir une offre diversifiée aux habitants, ce qui peut leur éviter d’aller à Paris. Mais il appelle plusieurs critiques. L’offre de produits y est largement constituée par des boutiques en franchise, offrant donc des produits standardisés, souvent de prix élevé. C’est un lieu qui incite à la consommation, auquel on se rend en voiture.
Le modèle de la « ville inversée » adopté par les urbanistes est une absurdité: ce centre était à l’origine coupé de la ville par des espaces dédiés à l’agriculture, traversés par de grands axes magistraux destinés à la promenade, et ne comprenait aucune des fonctions habituelles d’un centre ville (logement, politique et culture). Il avait donc un caractère artificiel (à l’image de la capitale fédérale du Brésil, Brasilia), et ce modèle a été heureusement en partie corrigé (construction du Théâtre Sénart, développement d’opérations de logement).
Mais ce modèle aggrave les difficultés rencontrées dans les communes de Sénart. Le doublement récent du périmètre du Carré Sénart contribue à renforcer la concentration de l’offre commerciale, au détriment de celle des centres des différentes communes. Il y a donc un effet aspirant qui contribue à vider les communes de ce qui fait leur vitalité.
b – Les erreurs propres à Cesson
Cesson présente un modèle particulier d’urbanisation par rapport aux autres communes de Sénart.
Comme Savigny, son développement s’est opéré dans la première phase du développement de la ville nouvelle de Melun-Sénart, dans le cadre du Plan Delouvrier, élaboré à partie de 1961 et qui débouche en 1965 sur le premier schéma directeur de la région Ile de France.
Voir le lien : Pour en savoir plus sur les origines des villes nouvelles
De cette étape datent les quartiers de Grand Village (à cheval sur Vert-Saint-Denis), Nouveau Village et Cesson la Forêt. Il s’agit d’un habitat pavillonnaire, dans un cadre de vie très soigné marqué par l’importance des espaces verts (en grande partie collectifs pour Nouveau et Grand Village et sous la forme d’un bois résiduel à Cesson la Forêt).
Mais Cesson a aussi gardé une forte identité rurale, présente aussi à Nandy ou à Savigny Bourg, par exemple. Elle se traduit par un important patrimoine architectural et par un tracé des rues peu adapté à la croissance du trafic.
Ce choix d’urbanisme explique l’importance de l’attachement des habitants à la préservation de leur cadre de vie : ils ont justement fait le choix d’installer à Cesson en raison de ces atouts.
Mais il explique aussi deux problèmes auxquels nous sommes confrontés.
- Le parc immobilier est inadapté. Il n’y a pas assez de logement social, ce qui est problématique vis à vis de nos principes (ACC est attachée au droit au logement pour tous) et pose aussi des problèmes réglementaires (nous sommes en retard par rapport aux normes, ce qui nous expose à des sanctions). Il y a un vieillissement de la population qui s’explique par l’attachement des habitants à leur maison et par le départ de nombreux jeunes après le Bac. Ce déséquilibre démographique est source de plusieurs problèmes. Par exemple, il y a un risque de baisse de la population en raison du moindre taux d’occupation des maisons suite au départ des enfants). Nous connaissons l’apport important de nos anciens à la vie de la commune, mais chacun conviendra que la présence de jeunes est un facteur de dynamisme.
- L’absence d’un véritable centre à Cesson. Cette situation nuit à l’identité collective et donc au développement d’une vie locale. Il y a surtout des sociabilités de rue, et seul le quartier de Cesson-la-Forêt dispose réellement d’un équipement de proximité suffisamment important pour jouer un rôle structurant. L’équipement commercial de Grand Village existe lui aussi, avec son marché du vendredi, mais il est plus limité ; l’offre de commerce du Bourg est très défaillante, et ne constitue pas un pôle d’attraction digne d’une commune de la taille de Cesson. Dans ce panorama, la Plaine du Moulin à vent apparaît comme véritablement sinistrée. Les engagements initiaux des élus n’ont pas été tenus, et il n’y a aucun commerce dans le quartier. Cesson reproduit à son échelle les erreurs de Sénart : le centre commercial d’Auchan et de Wood Shop, tourné vers la voiture et les franchises, polarise les fonctions commerciales au détriment du centre ville.
c – L’impasse actuelle
Faute d’anticipation, la municipalité se retrouve actuellement démunie de bonnes solutions. Le P.LU. qui nous est proposé n’est donc pas satisfaisant à nos yeux, pour deux raisons.
D’une part, nous pensons que l’attitude de l’Etat et de la région est incohérente. On ne peut pas à la fois affirmer que l’on veut limiter la dégradation du cadre naturel et continuer, au nom de la compétitivité, à soutenir la croissance de l’agglomération parisienne. Il n’y a pas de solution réelle si l’on ne mène pas un véritable rééquilibrage à l’échelle du territoire national, car l’agglomération parisienne (Paris et sa banlieue) est déjà beaucoup trop étendue, ce qui pose des problèmes insurmontables. Il est absurde que les habitants de Sénart travaillent à La Défense !
D’autre part, M. Chaplet et ses adjoints sont aujourd’hui victimes de leurs propres erreurs passées. Rappelons que c’était déjà eux qui étaient en poste lors du lancement de la Plaine du Moulin à Vent, projet dont ils portent donc la responsabilité. Par ce projet très extensif, constitué en grande partie de pavillons de luxe sur de vastes terrains et conçu en l’absence de toute réflexion sur l’aménagement du territoire (comme le montre le positionnement de l’école Jules Verne, et la place dévolue aux grands axes, qui fracturent le quartier), ils ont gaspillé la derrière grande réserve foncière de notre commune. Ils sont donc contraints désormais de chercher à tous prix à densifier le quartier du Bourg pour rattraper leur retard en matière de logement social, ou d’imaginer la formation d’un quartier qui risque fort d’être un quartier ghetto, sur les terrains à proximité de la voie de chemin de fer (aux fortes nuisances sonores et enclavé par rapport au reste de la ville) et de la gare (future ZAC de la Gare, annoncée d’abord comme OIP dans le projet de PLU puis provisoirement retirée…).
Le P.L.U. proposé au vote du conseil municipal présente donc des incohérences qui menacent le futur de notre commune : densification du centre-ville sans réflexion sur la circulation; croissance de la ville sans aménagement d’un centre-ville adapté; menace d’une opération mal maîtrisée de 600 logements sur le quartier de la gare. |
4) Prises de position des élus NDPC et nos propositions
Les élus du groupe Nouveau Départ pour Cesson ont voté contre le premier projet de P.L.U. soumis au Conseil Municipal.
Julien Favre est intervenu pour exposer les raisons de ce vote contre le projet de Plan Local d’Urbanisme. Le constat du Plan d’aménagement et de développement durable sous-estime les retards et les difficultés, qui découlent des erreurs accumulées pendant plusieurs années par les responsables de la commune (erreur de conception des aménagements de la Plaine du Moulin à Vent, manque d’anticipation, méconnaissance des enjeux du développement durable, retard sur le logement social, absence de vision d’ensemble sur le développement de la ville). Le nouveau Plan Local d’Urbanisme marque un certain progrès mais il reste bien insuffisant pour rattraper ces erreurs (exemple: le terrain de la ferme Benoit) et pour répondre aux enjeux des années à venir. Nous sommes particulièrement inquiets de la façon dont est pensé le développement du quartier de Montbréau (risque de ghettoïsation). Et nous avons aussi de fortes interrogations sur le devenir du quartier de la gare. Rien n’est fait pour résoudre le manque de centralité dans notre commune ni pour modifier les conditions du déplacement. |
A ACC, nous sommes partisans d’une autre démarche que celle adoptée par la majorité municipale.
Il faut faire un diagnostic plus réaliste de la situation actuelle de la ville, revoir le plan de déplacement, insister plus sur les problèmes majeurs :
-
-
- centre-ville,
- plaine du Moulin à Vent, Montbréau,
- absence d’offre locative pour les jeunes,
- retard sur le logement social,
- retard accumulé sur les infrastructures,
- mauvaise gestion de la dévolution des terrains Benoit,
- absence de réflexion commune sur l’évolution du terrain Sodbury et de la piscine.
-
Il faut aussi que la priorité aux enjeux environnementaux et sociaux soit réellement prise en compte dans l’ensemble des choix d’urbanisme faits par la municipalité. Et nous souhaitons que la sélection des équipes d’architectes pour les projets initiés par la mairie soit faite en associant pleinement les citoyens. Rien ne justifie que les projets ne soient pas présentés au public avant la prise de décision.
Nos priorités :
|
Pour la commission Urbanisme d’ACC,
Christophe Bosquillon